Sorties 2023
Observations « animales » de la sortie Prairies humides de la Seille, 30 avril 23.

Observations « animales » de la sortie Prairies humides de la Seille, 30 avril 23.

Partie 1 : Observations animales.
(N.B. : Liste des oiseaux à la fin).

Rendez-vous général à 9h30 sur le parking du village de Huilly sur Seille.
N.B. : Le groupe Semina est parti en covoiturage de Weldom à 8h30.

Observations sur le chemin menant à la prairie :
Juste après avoir fait fuir un couple de cailles cachées dans les hautes herbes du chemin, nous avons pu observer des nids de chenilles noires sur des feuilles d’orties.

Nurserie de chenilles de petite tortue sur feuilles d’orties.

Aglais urticae, la Vanesse de l’ortie. Lien n°1, Lien n°2.
La Petite tortue produit une, deux ou trois générations annuelles en fonction des régions, et comme certaines autres Vanesses, elle a la particularité d’hiverner au stade d’imago. Les imagos de dernière génération passent l’hiver dans les anfractuosités d’arbres morts, dans les rochers, voire souvent dans les granges et les habitations. Une partie de ces hivernants sont mangés par les araignées. Les survivants se réveillent et réapparaissent vers mars-avril pour se reproduire.

Les chenilles de la première génération éclosent au mois de mai, environ dix jours après la ponte déposée par la femelle au revers des feuilles d’orties. Les jeunes chenilles sont presque noires, elles se rassemblent en un groupe dense et elles tissent une toile lâche faite de fils de soie qui les protège. Après environ un mois, les chenilles deviennent plus claires (4 bandes jaune verdâtre longitudinales discontinues, 2 sur le dos, et une sur chaque flanc).

-Un peu plus loin, sur une feuille, un Cercope sanguin :

Cercopis vulnerata, le cercope sanguin. Lien.

Il est de couleur noir brillant, avec 3 taches rouges sur les élytres. Cette livrée voyante est dite aposématique, c’est un moyen de défense, un signal visuel de toxicité.
Il peut voler mais il est pourvu de pattes postérieures saltatoires très efficaces. Vigoureux sauteur, quand le Cercope est dérangé, il se propulse d’un bond puissant pouvant aller jusqu’à 70 centimètres.

En période de reproduction, le mâle appelle la femelle par cymbalisation, comme la cigale, mais non audible pour l’humain sans amplification.

La position de l’accouplement est particulière : le mâle et la femelle se tiennent l’un à côté de l’autre, avec un angle de moins de 45°. L’accouplement peut durer jusqu’à 5 heures.

La larve est de teinte blanchâtre et se couvre pour se camoufler et se protéger, d’un amas spumeux (comme une écume ou mousse), appelé communément « crachat de coucou » ou « écume printanière ». Pour produire ce phénomène, la larve d’un Cercope propulse de l’air dans les déjections qu’elle rejette, ce qui a pour effet de les transformer en cet amas d’écume qui va la protéger d’éventuels prédateurs et lui assurer une humidité constante. Pour aller plus loin…

-Au milieu du chemin , dans les hautes herbes, nous arrivons sur une scène qui est une première pour moi : un groupe d’abeilles à longues antennes perchées dans les herbes et sur des feuilles .

Nous sommes en précence d’Eucera nigriscens mâles. ( Il existe 219 espèces d’Eucera ! )
Seuls les mâles ont des antennes aussi longues, celles des femelles sont de taille normale.
Les mâles sont présents bien avant les femelles, en avance de 3 à 4 semaines. En général, ils les attendent tout le mois d’avril. Après l’accouplement, la femelle prépare un terrier, généralement dans un sol argileux, en pétrissant les parois pour les rendre lisses. Le nid est approvisionné avec un mélange de pollen et de miel transformé en pâte et un œuf est pondu dessus. La larve se nourrit de la pâte lors de l’éclosion. L’hiver est généralement passé sous forme de pré-nymphose dans le terrier, se nymphosant le printemps suivant et émergeant du terrier à l’âge adulte peu de temps après.

Eucera nigriscens mâle.

Cette photo prise sur place permet d’observer un critère de distinction avec Eucera longicornis :
Montage comparant les basitarses 3 des males de longicornis (haut) et nigrescens (bas).
On voit sur la photo au dessus que le basitarses 3 du mâle n’est pas arqué, nous sommes donc bien en présence de E. nigrescens. (Source : Insectes. org).

Sa cousine Eucera longicornis est un pollinisateur confirmé d’Ophrys apifera. Lien 1. Lien 2.

-Poursuivant notre route, le chemin est entravé par un arbre mort à l’horizontale (photo).
En soulevant des morceaux d’écorce, nous observons de belles gravures sur bois faites par des Scolytes :

Ce sont principalement des hôtes de plantes ligneuses, ils forent dans l’écorce ou dans le bois pour la ponte. Le mâle creuse une chambre d’accouplement. Attirées par ses phéromones, une à deux femelles le rejoignent. Après la fécondantion, à partir de cette chambre, les femelles creusent des galeries verticales parallèles aux fibres du bois. Elles déposent les oeufs dans des encoches de ponte de part et d’autre de la galerie puis s’en vont. Dès l’éclosion, la larve creuse à partir de l’encoche de ponte une galerie horizontale sinueuse qui s’élargit progressivement jusqu’à son extrémité qui forme le berceau de nymphose. L’ensemble forme une gravure sur bois caractéristique.

Un printemps pluvieux et froid après un hiver rude tue les larves et diminue beaucoup la population.
A cause du changement climatique, les hivers ne sont plus assez froids. Cela favorise beaucoup la survie des larves et donc les attaques sur les arbres de nos forêts.
En plus de creuser des galeries sous l’écorce, les scolytes apportent parfois un petit champignon qui finit par scléroser les branches et par faire dépérir l’arbre.

Observations dans la prairie :

-Arrivés dans la prairie, un des participants est venu me présenter un petit escargot des prairies humides, c’est une Ambrette.
Je vais vous conter le suplice de Prométhée interprêté par une malheureuse ambrette…
Tout d’abord, notez que l’on peut voir ses organes par transparence et qu’il est dans l’incapacité d’entrer entièrement dans sa coquille comme peut le faire notre célèbre escargot de Bourgogne.

Ambrette, Succinea Putris probable.

Sur la photo ci-dessus, vous pouvez observer le poumon et la veine pulmonaire de cet escargot tant la coquille est translucide !

Lien.

Les ambrettes vivent dans des endroits très humides, marais, prairies humides, rives de cours d’eau ou de lacs. C’est un mollusque gastéropode terrestre pulmoné dont la coquille est très fragile et presque translucide, brun pâle (couleur de l’ambre), fine, et presque translucide, elle fait 3 tours de spires, le dernier étant très large.

Les ambrettes sont parfois parasitées par un ver plathelminthe Leucochloridium paradoxum.
Comment le mollusque est-il parasité ?
Phytophage, il lui arrive d’ingérer des éclaboussures de fientes d’oiseau contenant le parasite sous forme de spores qui vont produire des sacs pulsatiles et colorés (photo ci-dessous) qui vont migrer dans les tentacules, prenant l’aspect de 2 petites chenilles se tortillant.
Repérez les couleurs de sa « tête » vers la gauche. (Photo de l’intérieur de l’escargot parasité).

Le comportement de l’escargot infecté se modifie : au lieu de rester à couvert près du sol à l’abri dans la végétation, il se rend vulnérable en se baladant sur des feuilles en pleine lumière et en y restant toute la journée, attirant ainsi l’oeil des oiseaux par d’apétissantes antennes dilatées et animées de mouvements imitant le comportement d’un asticot agité.


Comme dans d’autres cas (voir article du 29 mars 2023), le parasite contrôle le comportement de sa victime. Mais, comble de malheur pour lui, ceux-ci régénèrent… et sont à nouveau colonisés car une partie des vers sont encore dans le tube digestif et produisent de nouveaux sacs.
Le pauvre gastéropode va donc poursuivre son calvaire, régulièrement mutilé par des oiseaux, puis régénérant ses appendices jusqu’à la prochaine séance de torture.

Source : Site Strange Stuff and Funky Things.

Autre : Parasites qui feraient frémir un Alien….

Enfin, juste avant de ressortir de la prairie, un couple de tipules in copula (Tipula sp).
Leur concentration (ou leur épuisement à la tâche) m’a permis de les approcher plus que de coutume :

Tipules in copula, (femelle en haut). Lien

Les tipules (ou cousins) sont des sortes de grands moustiques à très longues pattes.
À peine sortis de leur nymphose, les adultes s’accouplent et pondent, les œufs noirs sont déposés à même le sol. On compte environ 200 à 300 œufs par femelle. Au bout de 2 semaines, les œufs donnent des larves qui vont commencer à se développer puis hiverner dans le sol. Au printemps, les larves se réveillent et reprennent leur développement, se nourrissant de débris végétaux, de racines et de jeunes herbes.

Larve de tipule. Source.

Si les tipules adultes sont inoffensifs, leurs larves gloutonnes sont à craindre pour vos plantations. Longues de 4 cm environ (à maturité), leur corps cylindrique, de couleur gris brun et d’aspect boudiné, est dépourvu de pattes, et on ne leur distingue que difficilement la tête qui est rétractile.

Pour se développer, les larves de tipules ont besoin d’une humidité constante, elles s’attaquent au collet des plantes, aux racines et parfois aux limbes des herbacées et des graminées (poacées) que l’on trouve dans les zones les plus fraîches des pelouses et des prairies.
Les chercheurs ont mis en évidence le premier cas de stridulation copulatoire chez les insectes : le pénis vibreur de la tipule fait en effet office de « vibromasseur ». Cet organe est une sorte de pénis chantant dont les vibrations excitent la femelle pendant la copulation.
A quand une transgenèse vers l’espèce humaine ?

Nous sortons de la pelouse pour rebrousser chemin et retrouvons nos abeilles mâles toujours en attente de voir les femelles pointer le bout de leurs antennes :

Mâle d’Eucera nigriscens.

-Cantharis rustica, Téléphore moine. Il a les élytres noir brillant et couverts d’une très fine pilosité. Le pronotum est rougeâtre avec une tache noire centrale. Les antennes sont rougeâtres vers la base et noires à l’extrémité. Les fémurs présentent des zones rouges. Il fréquente les clairières, les orées forestières et les prairies fleuries. Il s’observe souvent sur les ombellifères. La larve, qui vit au sol et qui passe l’hiver, se nourrit d’escargots, de limaces et d’insectes. L’adulte se nourrit de petits insectes, notamment de chenilles.

Cantharis rustica, le Téléphore moine.

Espèce semblable : Le Téléphore sombre (Cantharis fusca), aussi appelé Téléphore brun, se distingue du Téléphore moine par les fémurs entièrement noirs et la tache noire du pronotum, de forme carrée, qui atteint le bord antérieur du pronotum.

A gauche par Jessica Joachim à gauche par Jessica Joachim.

Avant de retourner au point de départ, 3 observations attirent notre attention :

Une mouche scatophage du fumier, Scathophaga stercoraria :

Scathophaga stercoraria.

Ce diptère possède des poils dorés (mâle) ou verdâtres (femelle).
C’est un mâle ou une femelle? Allez voir les carnets de Jessica

Durant l’accouplement, les insectes se rencontrent sur les bouses de vache fraîchement émises et encore chaudes. Les œufs, d’un diamètre d’un millimètre environ, sont pondus sur cette matière. La larve, un asticot se développe alors pour atteindre environ 10 millimètres, en se nourrissant des larves d’autres insectes coprophages, qu’elle trouve dans la bouse. La femelle a la capacité de sélectionner le sperme d’un seul mâle en rejetant celui des autres. Cette espèce joue un rôle important dans l’écosystème en participant très activement à l’élimination des déjections animales. Pour aller plus loin.

Nurserie d’araignées Araneus diadematus (Epeire diadème)

Un mouvement dans le feuillage a provoqué la dispersion des petites araignées qui ont reformé une boule dans les minutes suivantes.

Appelée Araignée des jardins ou Araignée porte-croix. Les mâles mesurent de 4 à 11 mm et les femelles de 10 à 22,5 mm. La première toile d’une jeune épeire mesure à peine 3 cm d’envergure.
L’adulte tisse une toile, d’environ 40 cm à 1 m de diamètre (la toile est refaite tous les jours), à une assez grande distance du sol, entre les rameaux des arbres ou des arbustes. Elle se cache souvent à proximité de la toile en ayant pris soin de tirer un fil avertisseur lui indiquant la prise d’un insecte. Les mâles vont généralement féconder les femelles vers le mois de septembre. Ils sont souvent dévorés à l’issue de l’accouplement. La femelle meurt aux premier grands froids. Les œufs donnent naissance à de petites araignées au printemps qui bientôt vont se disperser dans les alentours.

Dernière observation, une autre araignée cachée dans le feuillage d’une herbacée :

Pisaurina mira (mâle). Prédateur d’embuscade.

Avant la copulation, le mâle lie les jambes de la femelle avec de la soie pour éviter d’être consommé ce qui lui permettra par la suite de s’accoupler avec d’autres femelles. La responsabilité des soins parentaux incombe uniquement à la femelle. C’est une espèce sexuellement dimorphe, les araignées mâles ayant généralement des pattes plus longues et un rapport longueur de patte/corps plus grand que les femelles. L’accouplement pour P. mira a généralement lieu de la mi-juin à la mi-juillet. La femelle transfère d’abord ses œufs dans un cocon sous son abdomen. Elle porte ce cocon jusqu’à ce que les œufs soient prêts à éclore. En attendant ce processus, la femelle construit également une « toile de pépinière » en rassemblant des feuilles, un endroit sûr où les petites araignées grandiront.

Lorsqu’il courtise une araignée femelle en toile de pépinière, l’araignée mâle lui offre un « cadeau nuptial « , généralement une proie enveloppée dans de la soie. Cet acte de don sert de première étape de l’accouplement, précédant la copulation. L’araignée femelle a alors le choix d’accepter le cadeau et de poursuivre par l’accouplement, de chasser le mâle ou … de le consomer. 
Après la copulation, s’il a survécu, le mâle ramène généralement le cadeau nuptial avec lui pour le présenter à sa conquête suivante.

N.B. 1 : Chez les pisaures il existe aussi des petits malins, de gros radins qui approchent la femelle avec un paquet vide ; le temps que la femelle le déballe, le mâle l’aura fécondée et sera parti. 
N.B. 2 : L’abondance de l’espèce influence largement le rendement des cultures : P. mira contribue à un meilleur rendement en limitant les populations de criquets, punaises et autres ravageurs.
N.B. 3 : Contrairement aux criquets qui sont herbivores, les sauterelles sont carnivores ou omnivores.

Liste des Oiseaux observés :

Faucon crécerelle / Falco tinnunculus

Milan noir / Milvus migrans

Perdrix grise / Perdix perdix

Mésange bleue / Parus caeruleus

Loriot / Oriolus oriolus

Courlis cendré / Numenius arquata

Corneille noire / Corvus c. corone

Rossignol philomèle / Luscinia megarhynchos

Coucou gris / Cuculus canorus

Fauvette à tête noire / Sylvia atricapilla.



… FIN …

Auteur/autrice

  • Pierre-Yves Raba

    Passionné par la nature et ses richesses, j'aime découvrir, photographier, apprendre et partager mes connaissances. N.B. : Je suis ouvert à vos remarques pour améliorer le site, merci de les laisser sur le site. Si vous cherchez si j'ai posté des informations sur une espèce, tapez son nom dans la fenêtre RECHERCHER en bas d'un article. Comme d'autres, nous avons l'intime conviction que les connaissances, qu'elles soient le fait d'amateurs ou de scientifiques de renom, doivent être mises à la disposition de chacun, pour former une bourse du savoir gratuite et sans prétention.

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