Observations 2023
Observation du 10 février : Le gui, une plante étonnante !

Observation du 10 février : Le gui, une plante étonnante !

Le Gui, Viscum album n’est pas toujours facile à observer tant il est souvent inaccessible, mais il peut être observé quand il est à portée de main sur un arbrisseau.

Systématique : Si certains le placent dans les Santalaceae, Bonnier, Coste, Fournier et Guinochet placent le Gui (Viscum album) dans la famille des Loranthacées, une famille de plantes parasites dont le genre type Loranthus n’existe pas en France. Des arguments phylogénétiques récents militent en faveur de la séparation de l’ancienne famille des Loranthacées en deux : la famille des Loranthacées, dont la nouvelle conception plus restreinte comprend le genre type Loranthus, et la famille des Viscacées, qui comprend les genres Viscum et Arceuthobium. ( à suivre …) article.

Ethymologie : Viscum album, du latin viscus, glu, allusion à la substance collante contenue dans les « baies » et album, blanc, allusion à la couleur de ces « baies ».

Le gui est une plante épiphyte, elle pousse sur une autre. Les semaines à venir vont bientôt permettre d’observer les fleurs mâles et femelles qui apparaîssent au printemps …

C’est une plante dioïque, c’est-à-dire que lorsqu’une graine germe, elle donne un plant ne portant que des fleurs mâles ou que des fleurs femelles. (Comme l’Ortie, Urtica dioïca et bien d’autres .. ) Chaque boule de gui est donc unisexuée, mais un arbre-hôte peut porter un pied mâle sur une branche et un pied femelle sur une autre. Parfois même 2 pieds de sexe différents s’enchevêtent sur une même branche.

Les fleurs mâles (et femelles) sont déjà formées à l’automne. Elles passent l’hiver fermées et s’ouvrent aux premiers rayons du soleil. Les abeilles, les bourdons et les mouches, attirés par le nectar qui suinte à la base des tépales, en assurent la pollinisation.

Comparaison fleur mêle et fleur femelle par Notes de terrain.


Les fleurs sont discrètes et de taille réduite. Après pollinisation, l’ovaire des fleurs femelles évolue en deux ans en une fausse baie globuleuse charnue, translucide, d’un blanc opalescent de la taille d’un petit pois.

Morphologie des baies du gui par l’ENS de LYON

Le fruit contient une unique graine chlorophyllienne hébergeant souvent 2 embryons. Elle est entourée d’une substance visqueuse et collante. Le pied mâle fleurit en mars avril, offrant du pollen à une période de disette pour les butineurs précoces.

Dissection, d’une baie de gui.

Ses fruits arrivent à maturité en hiver (là aussi quand la nourriture se fait rare), ils sont très appréciés de nombreuses espèces de passereaux, en particulier la grive draine (Turdus viscivorus, littéralement « grive mange-gui »),  mais aussi de la mésange bleue (Cyanistes caeruleus) et de la sittelle torchepot (Sitta europaea).

Les petits passereaux (fauvettes, mésanges) ne peuvent avaler directement (ou difficilement) ces « baies » . La fauvette à tête noire procède d’une manière particulière pour gérer ces baies : elle en détache une, se déplace de quelques mètres vers une brindille voisine et la saisit dans une de ses pattes sur le support. Elle pique la peau, la déchire pour mettre à jour son contenu ; là, elle secoue sa tête de droite et de gauche le long de la brindille pour extirper la graine et son enveloppe de viscine qui se collent sur la brindille ; finalement, elle avale la peau vide avec quelques bribes des couches de viscine. Donc, ici, la graine ne traverse pas le tube digestif de l’oiseau mais reste en permanence hors de l’oiseau. L’absence de passage par le tube digestif n’est pas un problème en ce qui concerne les graines du gui car elles n’ont pas besoin, contrairement à nombre de graines de fruits charnus, de subir l’action des sucs digestifs pour devenir en capacité de germer ; d’ailleurs, vu les temps de transit très rapides, on voit mal comment les sucs auraient le temps d’agir !

Mésange charbonnière en train de marteler à coups de bec une graine abandonnée par une fauvette à tête noire. Par ZOOM NATURE.

La fauvette à tête noire (Sylva atricapilla), est donc une véritable providence pour le gui, puisqu’elle consomme uniquement la pulpe, laissant la graine collée sur la branche sur laquelle elle s’est posée.
Des centaines de petits « chewing-gum » sont ainsi solidement collés sur l’écorce des branches, attendant le printemps pour germer.

Les grives et les merles, passereaux de taille assez forte (relativement) ont un bec et un gosier suffisamment large pour avaler les « baies» entières, sans les entamer ce qui permet d’aller vite !
Le fruit traverse le tube digestif et subit l’attaque des sucs digestifs : la peau nutritive est entièrement digérée mais une bonne partie de la viscine reste intacte ainsi que la « graine » résistante. L’oiseau, après avoir ingurgité une certaine quantité de « baies » fait une pause et, en quelques dizaines de minutes le transit est terminé ; l’oiseau défèque les graines et leur couche de viscine. Si plusieurs graines sont expulsées en même temps, elles pendent au bout de longs filaments de visicine, celle-ci étant très élastique : l’ensemble forme un chapelet de graines qui, lors de sa chute, pourra être intercepté éventuellement par une branche. Sous l’effet du choc, les filaments peuvent plus ou moins s’enrouler autour et coller les graines en diverses positions sur celle-ci.

Cette dissémination par les fientes est connue depuis des lustres, comme en témoigne le proverbe latin malum sibi avem cacare. Que l’on peut traduire par « l’oiseau chie son propre malheur ». Il est vrai que les baies, collantes, donnent la glu que l’on utilise pour piéger l’oiseau :

La chasse à la glu.

Article 1 : La chasse à la glu.
Article 2 : Législation sur la chasse à la glu.

En germant, la graine va émettre des suçoirs qui pénètrent l’écorce de l’arbre-hôte jusqu’aux vaisseaux conducteurs de sève brute afin de la prélever. ENS LYON.

Les pigeons ramiers et les mésanges (bleue et charbonnière) détruisent ses graines, par leur puissant suc digestif pour les premiers, en consommant les embryons contenus dans la graine pour les secondes. La présence de ces oiseaux dans nos campagnes contribue donc de façon tout à fait naturelle à réguler les populations de Gui. Voir + …

Morphologie de l’appareil haustorial du gui. ENS LYON.

Lorsque l’écorce est trop épaisse, empêchant l’accès vers la sève, la plantule se dessèche après avoir épuisé toutes ses réserves. Comme le gui est chlorophyllien, il est capable de produire sa propre matière organique, on le qualifie d’hémiparasite. Il a besoin d’eau car il n’a pas de racines.

Son port en boule pouvant dépasser 1 mètre de diamètre est dû à la façon (fausse ramification dichotomique) de se ramifier de ses tiges en Y de part et d’autre du bourgeon terminal. Pour connaître l’âge d’un rameau de gui, il suffit donc de compter le nombre de bifurcations entre sa base et son sommet.

La ramification dichotomique du gui. ENS LYON.

Les tiges cylindriques, trapues mais assez cassantes, sont d’un vert tirant souvent sur le jaune.

Les feuilles sont ovales, sessiles, opposées, assez épaisses et d’une couleur vert-jaunâtre et à nervures parallèles . Elles persistent environ 18 mois sur la plante : le gui est donc toujours vert, il est dit sempervirent.

Les feuilles du gui présentent une évapotranspiration importante, mais nécessaire pour entretenir le gradient de pression leur permettant d’absorber de la sève de l’hôte. En cas de sécheresse forte, ce phénomène n’est parfois plus suffisant et les guis meurent alors avant leur hôte.
Viscum album parasite 120 espèces d’arbres et d’arbrisseaux, presque exclusivement des feuillus.

Voir La Hulotte , N° 48 et 49.

Arbres et arbrisseaux parasités par chacune des 3 sous-espèces de Gui : ENS LYON.

Auteur/autrice

  • Pierre-Yves Raba

    Passionné par la nature et ses richesses, j'aime découvrir, photographier, apprendre et partager mes connaissances. N.B. : Je suis ouvert à vos remarques pour améliorer le site, merci de les laisser sur le site. Si vous cherchez si j'ai posté des informations sur une espèce, tapez son nom dans la fenêtre RECHERCHER en bas d'un article. Comme d'autres, nous avons l'intime conviction que les connaissances, qu'elles soient le fait d'amateurs ou de scientifiques de renom, doivent être mises à la disposition de chacun, pour former une bourse du savoir gratuite et sans prétention.

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